Mercredi 20 Janvier 2016 « ERIC » Bourg-la-Reine 92
Ce soir je ne vous parlerais pas de l’incroyable et agréable histoire qui m’est arrivée hier soir. Actuellement je relie un classique de notre littérature Française « Pêcheur d’Islande » de Pierre LOTI. Je ne peux m’empêcher de faire le parallèle entre ces jeunes tués au bataclan le 13 Novembre 2015 et la mort de Sylvestre MOAN à dix-neuf ans, mort en 1883 lors de l’expédition du Tonkin. J'aime bien le personnage du jeune Sylvestre. Je trouve qu'il est porteur de nombreux symboles. Il représente tous les pauvres gens envoyés à la guerre pour se faire massacrer. Il montre bien l'horreur de la guerre notamment lors du long et atroce passage décrivant son agonie. Cette personne qui voulait aller se battre, a tout de suite senti que la mort était proche. Perforé par une balle, on sent qu'il éprouve des regrets et qu'il veut retourner chez lui. J'admire le courage dont il fait preuve avant de mourir. Il symbolise aussi tous les honneurs idiots que l'on adresse à de pauvres soldats mourants. Comme toutes les cérémonies que la république nous a faites sur les attentats des derniers mois. En 2016 on ne meurt plus au champ d’honneur comme soldat pour servir son pays, aujourd’hui l’ennemi est parmi nous en la personne de notre collègue de travail ou de notre voisin de palier qui veut nous imposer sa religion et sa manière de vivre. Il y a quelques mois sur ce blog je vous expliquais ma définition du risque pour un pilote d’avion. En 2016 nos vies ressemblent à un billet de LOTO ou ont à plus de chance de la perdre que de la conserver. Nos politiques successifs sont les premiers responsables de cette situation qui est le début du chaos et la fin de notre civilisation actuelle. Dans ma vie de militaire j’ai quelques fois vécu la situation d’entendre des balles siffler au-dessus de ma tête et je trouve que Pierre LOTI le décrit très bien et je vous fais partager ses récits : Dans l’air, une balle qui siffle !... Sylvestre s’arrête court, dressant l’oreille… Encore !... ce même bruit dans le silence de l’air ! – Bruit aigre et ronflant, espèce de dzinn prolongé, donnant bien l’impression de la petite chose méchante et dure qui passe là tout droit, très vite, et dont la rencontre peut être mortelle. Mon père et mon grand-père appelaient cela (aller aux feux ou le baptême du feu). Pour la première fois de sa vie, Sylvestre écoute cette musique-là. Ces balles qui vous arrivent sonnent autrement que celles que l’on tire soi-même : le coup de feu, parti de loin, est atténué, on ne l’entend plus ; alors on distingue mieux ce petit bourdonnement de métal, qui file en traînée rapide, frôlant vos oreilles… Les six matelots, ayant rechargé leurs armes à tir rapide, les abattaient à leur aise ; il y avait des flaques rouges dans l’herbe, des corps effondrés, des crânes versant leur cervelle dans l’eau de la rizière. Un, qu’il poursuivait, se retourna pour le mettre en joue, dans une inspiration de terreur désespérée. Sylvestre s’arrêta, souriant, méprisant, sublime, pour le laisser décharger son arme, puis se jeta un peu plus sur la gauche, voyant la direction du coup qui allait partir. Mais, dans le mouvement de détente, le canon de ce fusil dévia par hasard dans le même sens. Alors, lui, sentit une commotion à la poitrine et, comprenant bien ce que c’était, par un éclair de pensée, même avant toute douleur, il détourna la tête vers les autres marins qui suivaient, pour essayer de leur dire, comme un vieux soldat, la phrase consacrée : « Je crois que j’ai mon compte ! » Dans la grande aspiration qu’il fit, venant de courir, pour prendre, avec sa bouche, de l’air plein ses poumons, il en sentit entrer aussi, par un trou à son sein droit, avec un petit bruit horrible, comme dans un soufflet crevé. En même temps, sa bouche s’emplit de sang, tandis qu’il lui venait au côté une douleur aiguë, qui s’exaspérait vite, jusqu’à quelque chose d’atroce et d’indicible. Il tourna sur lui-même deux ou trois fois la tête perdue de vertige et cherchant à reprendre son souffle au milieu de tout ce liquide rouge dont la montée l’étouffait – et puis, lourdement, dans la boue, il s’abattit.